Présidentielle : la musique comme instrument dans la conquête du pouvoir

Par Aurélien PAGE , le 27 mars 2022 , mis à jour le 4 février 2023 , 1 commentaire - 7 minutes de lecture
l'importance hymne de campagne pour gagner une présidentielle
Sport, Médias, Droit, Politique, Histoire, Numérique, Politique ... Oui, les sujets de mes écrits seront riches et variés. J'ai espoir qu'ils susciteront le débat.

Gagner une élection présidentielle est assez simple ! 

Telle une série Netflix, une campagne présidentielle victorieuse doit comporter deux choses : une belle histoire portée par un(e) candidat(e) et pour la prolonger, un bon hymne de campagne. 

Bien plus qu’un élément technique destiné à chauffer les salles, “une musique de campagne est aussi importante qu’un slogan politique”, explique, Michael Boumendil designer sonore et fondateur de l’agence sixième sens. 

La musique est devenue une composante à part entière de la communication politique. Pour une ou un candidat à l’élection présidentielle, choisir sa musique de campagne ne se fait pas hasard. En effet, si une campagne présidentielle, ce sont des mots, de la rhétorique, c’est aussi une mélodie, une ambiance. 

Une musique de campagne doit réussir à donner plus de poids, de forces au message du ou de la candidate. En effet, elle parvient plus facilement que les mots à parler à l’esprit, au coeur et à la sensibilité de chacun.

Ainsi, comment une musique peut-elle aider un(e) candidat(e) à gagner la présidentielle ? 

Une musique de campagne prolongement du slogan et des messages portés par le ou la candidate

Avant le début des années 80, un meeting politique se terminait pour les partis de Droite par la Marseillaise et par l’Internationale pour les partis de Gauche. 

La frontière idéologique et avec elle musicale était très claire et marquée de chaque côté de l’échiquier politique. 

La fin des années 70 marque alors un tournant. Le PS et le RPR décident alors de se lancer dans la conception d’un hymne. 

Commandé par François Mitterrand lui-même, l’hymne du PS a été composé au lendemain d’une large victoire de la gauche aux élections municipales de 1977. 

Mikis Theodorakis à la musique et Herbert Pagani (pour les paroles) présentent changer la vie. “Dans ses paroles, changer la vie célèbre les idées réformatrices du PS”, souligne Thibault Jeandemange, docteur en Science-Politique et auteur de “les musiques de campagne : des hymnes aux ritournelles publicitaires”. 

Pour le RPR, son hymne sera composé en vue des élections législatives de mars 1978. Une campagne qui s’annonçait alors mal engagée pour le parti de Jacques Chirac. Les paroles sont écrites et interprétées par Roger Vivant. 

Deux hymnes aux paroles qui font sens dans leurs camps respectifs, deux hymnes instruments d’une volonté de conquête du pouvoir pour le PS et le RPR, deux hymnes qui doivent mobiliser les militants ! 

“Le marketing politique va faire évoluer les formes musicales des hymnes vers des ritournelles publicitaires”, explique Thibault Jeandemange comme en témoigne les élections présidentielles de 1981. 

Jacques Chirac est candidat pour le RPR. Le titre de sa musique de campagne reprend le slogan du candidat “Jacques Chirac maintenant”. C’est Pascal Stive qui se chargera de sa composition. Même stratégie pour le candidat Mitterrand pour le PS avec une musique de campagne qui reprend un slogan “Mitterrand Président” dont la composition n’est plus l’oeuvre de militants mais est composée par Denise Donders et Pascal Stive, le même qui a composé la musique de campagne de Jacques Chirac. 

Ces deux musiques de campagne tant pour le candidat Chirac que le candidat Mitterrand soulignent l’importance prise par la communication politique. Les musiques sont commandées par des agences de communication en charge des campagnes. Les paroles reprennent les slogans de la campagne et raisonnent comme des messages publicitaires. 

La “sloganisation des paroles” connaît son point d’orgue avec la musique de campagne de François Hollande en 2012 qui reprend durant 3 minutes 58 le slogan du candidat du PS, “le changement c’est maintenant”. Le mot changement y est prononcé 20 fois, le mot maintenant 33 fois. 

L’objectif de l’hymne est de répéter de manière plus festive le slogan, le message principal de la campagne du candidat PS. Il s’agit de créer une sensation de bien-être chez l’électeur. 

Un objectif en totale opposition avec son adversaire et Président sortant, Nicolas Sarkozy dont le choix de la musique de campagne répond à une toute autre stratégie. 

Une musique de campagne qui doit renforcer le style, les valeurs attachés au candidat ou à la candidate

Si une musique de campagne permet de donner plus de forces au message de la candidate ou du candidat, elle peut également être choisie pour transmettre ses valeurs et son état d’esprit. 

Prenons l’exemple de Nicolas Sarkozy en 2012. Il est le Président de la République sortant. Tous les sondages le donnent perdant. 

Il n’a d’autre choix que de “présidentialiser” son discours. La musique composée par Laurent Ferlet exclusivement pour la campagne intitulée “Course pour la victoire !” donne le ton. 

Pour la presse de l’époque, elle est “digne d’une BO de film hollywoodien”. L’équipe de campagne du candidat Sarkozy voulait quelque chose qui se rapproche du Boléro de Ravel et de Wagner. 

Ambiance épique, rythme soutenu, montée en intensité, accents wagnerien, tout y est et le message est clair ! 

La France est menacée, elle va mal au lendemain de la crise financière, seul un homme providentiel comme le Président Sarkozy peut la sauver, nous sauver. La “Course pour la victoire” donne l’impression d’être dans une course contre la montre, le rythme s’intensifie, l’angoisse monte, heureusement la conclusion nous délivre d’une telle impression, cette délivrance magie de la mise en scène intervient au moment où le candidat Sarkozy apparaît tout au long des meetings ! 

Mais une musique de campagne ne fait pas tout ! Le caractère lyrique, épique et grandiloquent de la “Course à la victoire” ne suffira pas au Président Sarkozy pour l’emporter, il sera battu au second tour par François Hollande au second tour avec 51,6 %. 

L’affaire Bygmalion (système de fausses factures entre l’UMP, le parti du candidat Sarkozy et l’agence Bygmalion en charge de la campagne pour masquer les comptes de campagne du candidat) nous apprendra par la suite que l’hymne de campagne de Nicolas Sarkozy a coûté 86 000 euros

Intéressons-nous désormais au candidat victorieux de la présidentielle de 2017 : Emmanuel Macron. 

Dans ses mots, sa posture, ses slogans, le candidat d’En Marche veut apparaître comme le candidat du renouveau même s’il a été secrétaire général adjoint de l’Elysée de 2012 à 2014 et ministre de l’économie de 2015 à 2016. 

Du haut de ses 39 ans, il veut jouer la carte de la modernité. Pour son hymne de campagne, il opte pour un morceau électro-pop du groupe norvégien Lemaitre intitulé “Closer”, un titre rythmé, entraînant, de quoi galvaniser tous les marcheurs durant la campagne et c’est facile mais ça marche ! Emmanuel Macron emporte l’élection avec plus de 66 % des voix. 

Finissons enfin avec le candidat du mouvement Reconquête, Eric Zemmour. Il s’auto-désigne le sauveur de la France, il lui fallait une musique de campagne qui renforce cette affirmation. Il a choisi “Immortal” du jeune compositeur norvégien, Thomas Bergersen. Une musique épique, joué fréquemment au Puy-du-Fou (parc d’attraction sur l’Histoire) dont le fondateur est un des soutiens du candidat Reconquête : Philippe de Villiers. 

Avec cette hymne de campagne, le message du candidat Zemmour est clair, il part en “croisade face aux ennemis de la France” et entend se présenter comme le “sauveur de la patrie”. 

Conclusion :

Une campagne présidentielle prend de plus en plus la forme d’une série Netflix plus ou moins bonne, à ce titre elle doit disposer d’une musique, d’un hymne de campagne capable de galvaniser les foules, prolonger les slogans, les messages par la ou le candidat et même renforcer son style, l’imaginaire qu’elle ou qu’il entend renvoyer dans l’opinion. 

La musique est devenue plus qu’un élément technique, c’est une composante à part entière de la communication et du marketing politique. 

Mais comme en marketing, pour que la magie fonctionne, il faut que le produit soit bon et un bon emballage n’est pas suffisant pour vendre. 

Vous souhaitez débattre sur un des sujets de mes écrits ? Vous êtes en désaccord ou vous partager mon point de vue ? N'hésitez-pas à me contacter pour me permettre d'approfondir mes réflexions.

Aurélien PAGE

Formé au journalisme, je suis rédacteur web en freelance et en entreprise depuis plusieurs années. J'ai été amené à écrire sur des sujets variés (Tourisme, Sports, Droit, Média, Développement personnel, Finance, Emploi, Formation...). Je me suis également formé au copywriting et depuis deux, trois ans je me concentre sur le SEO.

Commentaires

Le 6 août 2022 à 16h43, Matthieu a dit :


Sympa, ce petit rembobinage politique musical. Il serait intéressant, en parallèle, de comparer avec les évolutions de l'industrie musicale, et notamment celle des canaux de diffusion, qui ont su imposer des genres nouveaux. Depuis la popularisation de MTV aux states, les artistes musicaux ont évolué de la chanson vers "le clip". Les hymnes de campagne ne font pas exception, et le clip de campagne va progressivement le remplacer. L'idée reste la même : donner une image positive du candidat, affirmer ses valeurs, etc ... mais l'alliance avec l'image oblige le musicien à faire certaines concessions.


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